Vivre une double vie

Je fais partie de ceux (celles) qui vivent encore dans le placard ... pas facile quand on est marié et que sa conjointe refuse catégoriquement nos envies ... Ni lingerie, ni fantaisies, ni absences, ni rien du tout, donc il faut tout vivre en catimini, avoir une double vie, et déployer de nombreux efforts pour bien cacher cette autre identité et tout ce qu'on vit intérieurement.

Mais le couple n'est pas le seul obstacle. Il y a aussi :

• les enfants : comment vivre le travestisme sans échapper à la responsabilité de maintenir une certaine image du père auprès des enfants ? Qui plus est quand ces enfants sont des garçons à qui il faut donner un modèle masculin durable ? On ne peut pas simplement dire "je veux vivre ma vie" sans envisager les conséquences à long terme de ce choix pour ceux qu'on aime.

• le milieu de travail : lorsque je fais la fermeture du bureau, je profite autant que possible du court moment où je suis seul dans l'édifice pour m'habiller et marcher un peu librement ... j'aimerais tellement porter ne serait-ce que des souliers à talons hauts durant le jour ! Vain désir, je serais rapidement mis à l'index, perçu comme un personnage bizarre, et probablement renvoyé à moyen terme sous prétexte d'une personnalité déviante. Sans compter ensuite la difficulté de retrouver ensuite un nouvel emploi dans le même domaine avec des références crédibles ... la tache resterait au dossier.

• les amis : en principe, ils sont effectivement nos amis, mais ils nous connaissent comme homme, et n'ont jamais envisagé dans nos relations un changement d'identité sexuelle, même de façon seulement superficielle, sans chirurgie. Malgré leur amitié, la très grande majorité serait désarçonnée par un coming out et ne pourrait plus continuer comme avant.

Bon, en deux mots, ce n'est pas simple de vivre au grand jour ce désir de féminité d'autant plus que je ne renie pas non plus mon identité masculine ... c'est peut-être ça la double vie ... être à la fois un homme et une femme. Anyway, il faut prévoir une rupture complète dans sa vie quand on décide d'assumer ouvertement sa féminité.

Ceux qui l'ont vécu, vous en dites quoi ?

Bonjour Mirabelle(j'adore ton nom!) ,je suis totalement d'accort avec toi et ton analyse est tres bonne pour les personnes qui ont une double vie comme nous.

Il me parait inconcevable de dire a ma famille que j'adore etre Vanessa et que ,oui,j'ai des rapports sexuels avec des hommes et oui,en plus j'aime beaucoup ça!!Au travail:on y pense meme pas!!les amis:j'ai tellement ete déçu de leur réaction lors de mon divorce....

Sans etre pessimiste,la betise,l'intolérance et la méchanceté de certaines personnes peuvent etre sans limite.Je préfere donc ne rien dire et faire ma vie sans rendre compte a personne.Non pas par peur(quoi que)mais plutot par respect pour mes enfants et leur eviter des questions existantielles,le quand dira t-on...

Maintenant,je comprend que l'on veuille en parler et moi-meme j'en creve d'envie mais il vaut mieux bien y reflechir avant et surtout a qui en parler.

bisous

Salut Vanessa,

J'écris cette réponse environ 2 ans après publication du premier post. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis lors.

Il m'a été impossible de continuer la double vie : peu à peu, j'ai vécu une crise croissante d'identité qui m'a mené vraiment proche de l'extrême. Renier continuellement qui j'étais, et depuis toujours, c'était comme mourir par en-dedans, vraiment. Il a fallu faire des choix très douloureux.

Après un long cheminement, j'ai donc amorcé le processus de changement de sexe. Non je ne renie pas qui je suis, bien au contraire, mais justement le moi réel est plus une femme qu'un homme. Pour l'instant, j'en suis à l'hormonothérapie, et j'espère commencer les chirurgies cet automne. J'ai amorcé le processus de changement légal de nom, que j'espère compléter d'ici décembre. Je vis en femme à temps plein malgré mon origine masculine encore manifeste, et ce autant dans ma vie privée qu'au travail.

Il y a eu évidemment plusieurs deuils et ruptures à accepter, la première étant celle du couple. Les couples ne survivent généralement pas au changement de sexe de l'un des partenaires. Puis les enfants, maintenant adolescents : de mes trois fils, un seul accepte assez bien. Le deuxième passe par une période très difficile : on s'est croisé par hasard l'autre jour dans un magasin, où il me voyait pour la première fois en robe, maquillée, etc ; j'ai vraiment senti le coup de poignard que je lui infligeais involontairement. Quant au plus jeune de mes fils, il m'a rejeté dès les tous premiers signes de féminisation. Je ne dis pas qu'il restera sur cette position toute sa vie, mais pour l'instant il n'arrive simplement pas à composer avec ce changement majeur de son papa, et le rejet est son réflexe actuel de protection.

Enfin je pourrais élaborer longuement sur le sujet, mais pour dire, il n'y a pas que du malheur dans cette voie, loin de là. Après le coming out, il y a de nombreuses sympathies qui se manifestent et je dirais qu'en général les Québécois sont tolérants et acceptants. Il faut leur laisser un peu de temps pour s'adapter, et les aider à progresser face un phénomène auquel il n'ont souvent aucune expérience préalable. Les employeurs sont aussi plus ouverts qu'on ne le pense, pour autant qu'on les rassure sur le sérieux de la démarche.

Mais surtout : de sortir du placard a été la décision la plus libératrice que j'ai prise de ma vie. Pouvoir enfin marcher la tête haute, afficher clairement qui je suis malgré le regard des gens, t'as pas idée de l'effet bénéfique sur ma vie et ma santé mentale. Oui il y un coût social très important à payer, et il faut voir si le jeu en vaut la chandelle. Mais vient un moment par contre où ce n'est plus un choix, c'est une question de survie. Je ne dis pas non plus que le changement de sexe est la seule issue, bien sûr que non, on peut très bien en rester au travestisme et revendiquer la double identité ; à chacun sa solution.

Pour ce qui est de la douleur et de la crise qu'on provoque chez ceux qu'on aime en sortant du placard, c'est un dilemne très difficile au départ : je vis pour qui au juste, seulement pour les autres ou aussi pour moi ? Est ce que je dois demeurer comme je suis uniquement pour satisfaire l'image que les autres ont de moi ? Mais je ne suis pas qu'une image, je suis moi, une vraie personne avec des besoins très réels que je ne peux pas renier sans fin uniquement parce qu'ils semblent initialement inacceptables pour mon entourage.

Au final, l'expérience démontre qu'après la crise et la période d'adaptation, qui peut durer plusieurs années, les proches retrouvent un parent beaucoup plus épanoui et heureux. Et qu'en retour, ils peuvent aussi t'aborder avec une plus grande sincérité lorsque tu as admis qui tu es. Ce n'est pas négligeable.

Bonne chance dans ton parcours.

salut Mirabelle,

il es clair que chaque personne est differente :certaines prefereront rester des travestis et le vivent tres bien,pour d'autre le besoin d'etre une femme est beaucoup plus profond,ce qui est ton cas.

Je te tire mon chapeau pour le courage de vouloir changer radicalement de vie et je t'envie presque.J'imagine aisément les problemes que tu as du surmonter,les préjugés,la méchanceté et le rejet des personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas comprendre.

Et pourtant ,Dieu que tu as raison:on ne vie pas pour les autres mais pour soi!!!

J'imagine tres bien aussi tes souffrances,tes questions et tes doutes mais finalement pour balayer tout çela afin d'etre toi:une vrai femme!

Ton chemin n'est pas fini,il te reste bien des virages mais le bonheur est au bout de la route...chasse tes doutes,ne baisse pas les bras car apres tu pourras etre fiere de toi .

Une question me traverse l'espris a l'instant et je me permet de te la poser:Mirabelle restera t-il ton prenom?

Pour tes enfants,ce qu'ils traversent est normal...mais ne vaut mieux pas etre un pere qui change de sexe et qui soit heureux ou un pere absent a tout jamais? je pense qu'ils comprendront avec le temps ...

Je te souhaite vraiment tout le bonheur que tu mérite et que ta transition se passe tres bien.

bisous

Vanessa

... j'aimais bien "Mirabelle", mais c'est un prénom qui convient mieux à une jeune femme je trouve. Mais surtout, Mirabelle est une personne qui se cherchait désespérement, qui avait un impérieux besoin de trouver sa solution, et que j'ai habité pendant deux années particulièrement difficiles de ma vie. Elle était vraiment une étape dans mon cheminement.

J'ai choisi "Ann" comme prénom définitif. J'aime beaucoup Ann, à l'anglaise. De Ann, j'ai l'image d'une femme calme et réaliste, un peu effacée mais pourtant très présente, parfois impétueuse, un peu imprévisible, mais tendre et à l'écoute des autres. Voilà qui me ressemble et qui correspond à ce que je suis.

Tu peux me trouver sur Facebook : Ann de Montréal

Ann c'est joli aussi...j'aime bien. Ca fait plus femme,plus mature;cela te correspond tout a fait.Mirabelle se cherchait,Ann s'est trouvée.

Pour mon prenom de Vanessa,je trouve qu'il me va bien mais ce qui me chagrine un peu ,je l'avoue,est que beaucoup de prénom de travesti se termine avec un "A".Me considérant comme une personne a part entiere,cela me gene d'etre noyée dans la masse .... J'aurai du choisir "Chloé" que j'aime beaucoup.

J'aime beaucoup ta formule : "Mirabelle se cherchait, Ann s'est trouvée" . Très vrai.

C'est joli Chloé, et peu fréquent dans cet univers ! Jamais trop tard pour changer : c'est toi qui décides qui tu es ...

Tu as raison,il n'est jamais trop tard pour changer et rien ne m'en empeche.

Chloé est un prénom qui respire la fraicheur,la gentillesse,la tolérance mais aussi l'espieglerie,l'ingenue et le:tu crois ce que je suis mais tu serais surpris(e)! cela me caractérise assez bien.

Bonjour Mirabelle,
Comme toi j'ai vécu dans le placard de l’anonymat. Avant d'être marie je portais des vêtements féminins, puis un jour j'ai rencontre la femme de ma vie que j'ai épousé sans lui avoue mon secret. Donc je le faisais en secret en cachant tous et si peu car je portais que des sous vêtements. Puis vin les naissances des enfants et toujours le secret bien ancre. Puis un soir, suite à une émission à télé sur hommes qui se travestis je lui demandais ce qu'elle en pensai et si sa m'arriverai.
Et la sa réponse à été pourquoi cet on cas ? A son interrogation je lui est tous avoue. Elle a été fruste pendant quelque jour et maintenant cet elle qui s’occupe de ma garde robe, du maquillage, chaussure et bijoux.
Bien sur les enfants ne sont pas au courant, car s'est notre secret.
Bise à toutes et courage.
Françoise.

Salut Françoise,

Je crois qu'on y échappe pas vraiment à sortir du placard un moment ou l'autre : autrement, on est rongé par le secret et on y laisse son hygiène mentale. Plus tu refoules un désir, et plus il veut sortir.

Je suis bien contente pour toi que ta conjointe accepte ton penchant. Il y avait le risque de déclencher une crise dans le couple à lui dire mais au final, toi et ton couple vous ne vous en portez que mieux maintenant, non ? L'autre issue aurait été qu'elle s'en rende compte par hasard un jour avec une crise encore plus grande ... je crois que ça passe mieux si on le dit soi-même.

Tu sais ce qui serait bien ? C'est que tu puisses évoluer librement dans la maison en femme, même en présence des enfants. Oui je sais, l'idée semble déraisonnable, mais tu crois pas qu'ils vont finir par le découvrir tôt ou tard même si tu leur caches la vérité ?

Évidemment, faut en discuter avec ta conjointe, voir comment introduire la chose aux enfants, et aussi que tu sois prêt à ce que ton penchant devienne connu peu à peu à l'extérieur de la maison ... ça prend des couilles pour assumer une féminité dans un corps d'homme !

Anyway, toute la famille vous seriez plus heureux parce que justement il y aurait une plus grande sincérité. De ce que je vois auprès d'amies transsexuelles qui ont des enfants, plus les enfants sont jeunes et mieux ils acceptent que papa porte à l'occasion des vêtements féminins ... les petits ont moins de préjugés et d'idées préconçues.

Quelque soit ton choix, ta conjointe auras plus de chance de te suivre dans ton cheminement si elle est convaincue que, malgré la part de féminité que tu revendiques, tu demeures un homme.

Bonne chance dans ton parcours.

Bonjour Mirabelle,
J'ai bien pensé à le dire aux enfants, j'ai même un texto en brouillon, mai mon épouse ne le veut pas.
Alors j'attend qu'elle me le dise et là je l'enverrai.
A bientôt bise,
Françoise,